Extrait de mon Projet d’abécédaire sur les loups qui comme un crapeau attend un baiser qui le transformera en beau et fort ouvrage. Ici B comme BERGER :
C’est un beau métier berger, un très vieux métier que les humains ont inventé il y a en gros 8500 ans, au début de l’air de la pierre polie, le néolithique. Étaient-ils fatigués de courir derrière le gibier ? Étaient-ils devenu tellement bons chasseurs qu’ils avaient consommé tous les grands troupeaux de viande sur pieds (rennes, chevaux, bisons…) où alors le climat en se réchauffant rendait-il possible un autre mode de vie. C’est sûrement une combinaison de ces trois raisons qui fit que certains groupes humains, à plusieurs endroits de la planète plus ou moins à la même époque, commencèrent à domestiquer des espèces, qui depuis le temps sont devenus des chèvres des moutons des vaches principalement, mais aussi des chameaux des lamas des dromadaires et des chevaux. À ce moment de l’histoire les humains vivaient déjà avec des chiens depuis au moins 20 000 ans. L’intelligence étant une qualité de feignant, les humains s’évertuèrent à rendre leurs troupeaux plus faciles à garder, en sélectionnant les animaux les plus dociles, les plus gras, les plus soyeux, les plus robustes, pour satisfaire leurs besoins humains.
Une fois que les animaux ne peuvent plus se nourrir seuls, se protéger seuls, brefs qu’ils ont perdus leur autonomie, leur état sauvage, un contrat étrange lie les humains et leurs cheptels : Je t’assure la sécurité, le gite et le couvert, en échange de ta vie et de ta liberté et de celles de tes enfants. Signe là, bétail… Ah tu ne sais pas écrire, bon, pose ta patte, bien… Oh tu ne sais pas lire, c’est ballot ! Alors écoute : Nous avons le droit moi et mes enfants, de te manger toi et tes enfants, de te faire travailler toi et tes enfants, de t’échanger toi et tes enfants quand nous le voulons et où nous le voulons autant que nous voudrons.
Bon, bien sur, tout ça n’empêche pas les sentiments. Et puis faut pas croire, c’est un sacré boulot que de remplir tout ces ventres. C’est bien du souci que de diriger toutes ces vies.
« Bêêêê… on a rien demandé, nous ! »
Qu’ils soient kirghizes où celtes, les bergers ont toujours développé des solutions pour que leurs troupeaux profitent de l’herbe offerte par la nature malgré la présence de prédateurs. Pour cela ils considéraient leur territoire comme un organisme vivant constitué de terre, roches, points d’eau, arbres, végétations, insectes, oiseaux, rongeurs, herbivores, carnivores. Les bergers ont dût apprendre à inscrire leur activité dans le cycle de leur milieu de vie. Leurs déplacements de pâturage en pâturage afin d’éviter la désertification des prairies en est la preuve la plus évidente. Trouver la bonne taille du troupeau pour qu’il soit humainement possible de le surveiller. Dresser des chiens, en faire des auxiliaires efficaces pour éviter de s’épuiser à courir toute la journée derrière les moutons. Trouver des endroits le plus sûrs pour y passer la nuit à l’abri des prédateurs. Car toutes ses proies sans défenses attirent le loup. La logique du profit maximum tend à éliminer la concurrence. Dans cette perspective à courte vue, les bergers peuvent choisir de supprimer les loups.
Mais on peut voir les choses autrement. Le berger engraisse ses moutons en prélevant une partie de l’organisme vivant qu’est le territoire qu’il s’approprie. Il bénéficie de la dynamique crée par tous les vivants (végétaux et animaux) qui permettent l’existence des pâturages. Et si les prédateurs venaient prélever le prix de toute l’herbe broutée au profit du seul berger ?
Un proverbe roumain dit que dans chaque troupeau il y a une brebis pour l’ours et deux pour les loups.